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Lorraine Cœur d’Acier, « matrice originelle des radios associatives »

jeudi 2 mai 2013, par Atelier médias libres

Si vous n’avez pas encore chopé, trouvé ou volé dans un Relais H le numéro 11 d’Article 11, l’entretien est aussi disponible sur leur site.

Seize mois de lutte, et puis s’en va. Lorraine Cœur d’Acier (LCA) fut la plus belle des comètes médiatiques, radio pirate lancée à Longwy en mars 1979 et fermée (sous sa forme initiale) en juin 1980. Créée par la CGT pour accompagner le combat des sidérurgistes lorrains contre un plan de suppression de milliers d’emplois, portée à bout d’antenne par la population du bassin de Longwy, la radio se fait relais efficace de la lutte des ouvriers et creuset d’une autre façon d’appréhender la politique. Femmes, immigrés, gauchistes, chômeurs, et même enfants, y prennent la parole. Dans le sillage des ouvriers en lutte, une véritable explosion - mai 68 tardif. Tout est lié, explique alors une animatrice : « La révolte contre ceux qui tuent la sidérurgie est la sœur de toutes les autres révoltes contre toutes les autres oppressions. »

Las, la belle utopie n’a qu’un temps. En juin 1980, la CGT reprend le contrôle de cette radio trop libre et critique, notamment envers le bloc soviétique. La centrale la remplace quelques mois plus tard par un triste ersatz, antenne épurée de toute indépendance. La population ne s’y trompe pas, qui cesse de l’écouter. Morte, LCA ? Peut-être. Mais trois passionnés de radios libres, Pierre Barron, Raphaël Mouterde et Frédéric Rouziès, se sont piqués de rendre hommage à ce qu’elle fut. Et ils ont patiemment réalisé « Un morceau de chiffon rouge », beau coffret de cinq CD compilant extraits d’émissions (surtout) et entretiens. Une plongée vivante et émouvante dans une histoire qui en raconte mille, faisant revivre une époque et une région – toutes deux sur le point de basculer. Pour en parler, deux des auteurs du coffret, Pierre et Raphaël.

Dans les locaux de Lorraine Cœur d’Acier.

Quelques extraits particulièrement intéressants :

« La lutte est l’essence même de cette radio. L’histoire de LCA se confond d’ailleurs avec celle du combat pour la sauvegarde de la sidérurgie. (…) L’intensité de la lutte va alors décroître, mais pas celle du combat pour préserver la radio – les gens se battent réellement pour la garder. Il faut financer les salaires des deux journalistes (une fois que la CGT cesse de les payer), défendre LCA face aux flics, l’animer. Un vrai combat !

Le lancement de LCA est possible parce qu’il repose sur une confiance instinctive dans une identité collective.

« En 1979-1980, les sirènes des usines sonnent dès que les flics approchent de la radio, pour prévenir les habitants de la menace. C’est fréquent. Et les gens le racontent de façon très pratique : tu es chez toi avec tes enfants, tu sors dans la rue, tu t’organises avec le voisinage pour la garde des bambins, et tu montes à la radio pour faire bloc. Au-delà de la résistance face aux uniformes, il y a là une forme de solidarité extrêmement étroite.

« Sur LCA, le premier réflexe est plutôt de rassurer l’auditeur : ’’Posez votre question, prenez votre temps, nous vous écoutons.’’ Et puis, il y a ce principe : un appel téléphonique est toujours prioritaire. C’est très important que la radio ne ronronne pas en vase clos dans cette espèce de bocal qu’est un studio. Très souvent, le débat de plateau est interrompu - ’’Il faut qu’on prenne cet appel’’, expliquent les animateurs. À cela s’ajoute une deuxième règle : priorité à la lutte. Dès qu’il y a un compte-rendu de grève, de réunion avec un patron, il passe immédiatement à l’antenne. »

Le premier CD du coffret, qui peut être commandé sur le site de NVO, est disponible en intégralité sur le site du projet.

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