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Les « médias libres » et le Web 2.0, une question insoluble ?

lundi 4 octobre 2010, par Atelier médias libres

A un moment, on ne peut plus faire l’air de rien et ne pas se poser la question : les réseaux sociaux commerciaux sont omniprésents sur internet, et sont devenus l’une des principales portes d’entrée vers les sites internet classiques.

Nos sites se retrouvent dans une situation compliquée : que faut-il privilégier, les infos que nous relayons et leur diffusion la plus large possible, ou bien, en accord avec l’idée de la fin et des moyens, ne pas se plier à cette nouvelle mode qui ne s’essoufle pas, bien au contraire.

Peu de réflexions sur le sujet en français, et nous voilà bien démunis à Rebellyon pour penser ça. L’apparition sur Indymedia Bruxelles de boutons de liens web 2 commerciaux sur tous les articles (ainsi que sur la plupart des sites Indymedias propulsés par HyperActive) renforce encore le questionnement.

Toute une série d’articles publiés sur Indymedia Londres permet déjà de débroussailler le terrain, ils sont regroupés dans l’une des pages d’explication du fonctionnement du site : Corporate Social Networking. Comme c’est le seul collectif à ma connaissance à avoir réfléchi au sujet, voilà une traduction très rapide de leur introduction au sujet :

Les réseaux sociaux commerciaux

Cette page est à propos des multinationales, du capitalisme, de la publicité, de la vie privée et de la surveillance - mais malheureusement elle est encore en construction. Pour le moment, c’est encore une ressource avec des liens vers lesquels vous pourrez trouver plus d’informatioins. Si vous ne voulez pas plus que quelques mots, nous pourrions résumer de cette manière : « Facebook, Google et les autres sont des multinationales. Les multinationales sont le mal. N’utilisez pas les services des multinationales ». Egalement, nous pouvons vous dire que tout ce que vous dîtes en ligne est enregistré par des robots. Et que ce n’est pas anonyme, vous pouvez être identifié par votre IP, qui est en gros un numéro de téléphone ou une adresse utilisée par les ordinateurs sur internet. Mais, bien sûr, ce sujet est un peu plus complexe que cela. Qu’arriverait-il à votre vie si soudainement
votre profil facebook et votre mail disparaissait ? Si ça vous fait peur, vous devriez passer quelques heures à lire des articles sur le problème d’avoir un compte Gmail. Leur business et le nôtre est un bon article pour commencer votre réflexion. (…)

Dans le même temps, vous pouvez écouter l’intervention qu’Eben Moglen, avocat au Software Freedom Law Centre, a donné sur « pourquoi Facebook est le mal » (…) ainsi que l’interview que Schnews a faite avec Richard Stallman, fondateur de la Free Software Foundation (…). Vous pouvez également écouter la conclusion de notre sommet sur le logiciel Hyperactive [1] et lire ce que riseup a à dire sur le sujet sur le site des Womble’s.

Enfin, vous pouvez lire les articles sur le sujet des membres d’Indymedia, Ionnek (Non Corporate Social Network), Maqui (Corporate Social Networking .. How Cool Is That !) et Yossarian (Their Business and ours) [2](…)

Voilà, donc grande nouvelle : google, facebook, hotmail et les autres sont le mal. Si vous voulez reprendre le contrôle de votre vie, nous vous suggérons que de vous séparer de votre compte Gmail en faveur d’un compte sur riseup.net ou aktivist.org, et que vous jetiez un coup d’oeil à l’outil de réseau social et d’organisation politique Crabgrass. Ou encore que vous gardiez un oeil sur la future plateforme de réseau social Diaspora !

Les articles cités dans cette page sont pour la plupart très éclairants et synthétiques, un travail de traduction serait intéressant.

Parmi les rares articles en français que j’ai pu trouver sur le sujet :
- un article du journal Outrage publié sur Rebellyon : Le web 2.0 ou l’ère du vide ;
- un texte paru sur Indymedia Grenoble : “Become the media !” : de l’hacktivisme au web 2.0.
- une critique anti-myspace trouvée sur radio FPP : (en pdf).

Des outils alternatifs à ceux des multinationales du réseautage sont en train d’arriver à maturité : Crabgrass et Diaspora cités dans l’article d’Indymedia Londres, mais également Laconica (StatusNet) en remplacement de Twitter, SemanticScuttle pour remplacer Delicious, etc. Peut-être faut-il saisir cette opportunité pour rapprocher militantEs libertaires et militantEs du libre fortement opposéEs à ces réseaux sociaux ? En effet, ceux-ci dépossèdent complètement leurs utilisateurs (de leur contenu, de leur vie privée, d’une réflexion sur les outils qu’illes utilisent) mais inventent (quoi qu’on en pense) une nouvelle manière de participer à l’information et de publier sur internet. Par ailleurs comment transformer le bruit, la procrastination et le renforcement des égos lamentables en une force collective au service de l’insurrection :p, ou plus prosaïquement en une production collective de savoir critique ?

A partir de nos expériences, d’un questionnement sur nos « objectifs » et des textes cités au-dessus, on pourrait commencer à y voir plus clair. Peut-être en listant des arguments pour, contre ou alternatifs ? [3]


[1Le CMS d’Indy Londres

[2Un autre article de Yossarian aurait pu être mis à la place de celui-là, qui replace les interrogations sur le web 2 et la plateforme technique d’Indymedia : Indymedia and the Enclosure of the Internet.

[3J’avais commencé il y a quelques temps par là, le brouillon est ouvert à tout le monde.

Messages

  • Bonjour, je suis lecteur occasionnel des articles postés ici. C’est une très bonne initiative, les thèmes abordés, comme celui de cet article, sont essentiels mais rares sur les sites type indymedia, rebellyon etc.

    Personnellement la présence de boutons « share » pour envoyer les articles indy sur Facebook et autres me déprime pas mal. A la fois je comprends que ça puisse être stratégique dans certains cas, par exemple empêcher une expulsion de sans-papier, mais je ne vois que des situations d’urgence pour justifier ça, et à la fois je trouve que Facebook est un réseau qui ne fait qu’entretenir le conformisme et nivelle par le bas le contenu, car même si c’est gratuit, puissant au niveau interface et que tout le monde (presque) y est, et bien c’est basé sur une économie de la réputation. Les échanges y sont superficiels, il n’y a pas de vraie discussion, pas de moyen de prendre des vrais décisions de façon égalitaire et au consensus quoi. C’est à celui/celle qui fera le plus son malin, accrochera le mieux et attirera l’attention.
    Sans parler de l’aspect surveillance des échanges et revente des informations privées pour la pub.

    Donc si ça continue dans quelques années on n’aura que des liens futiles qu’on aura bien mérité si c’est à facebook de prendre le relais pour la diffusion sur internet.
    Mais d’un autre coté en regardant l’importance des sites de publication et d’information libre baisser on ne peut qu’être désemparés.

    Mais mis à part le fait qu’indymedia et compagnie c’est parfois chiant suivant les villes et que ça n’engage pas forcément à rester quand on découvre, faut le dire, parce que la forme et les thême des contenus sont devenus assez traditionnels et qu’il manque des champs de réflexions (que je trouve ici par exemple, sur l’atelier) ça reste une bonne façon de savoir ce qui bouge dans sa région, et de savoir où se déplacer si on veut s’investir, et de contrer la désinformation.

    Pour le reste, le problême, vraiment, c’est que le temps que les gens pouvaient consacrer à de la lecture ou de la contribution sur indymedia, aujourd’hui, pour les mêmes personnes qui ont aussi un compte Facebook, c’est devenu moins intéressant que de passer 3 heures par jour sur FB à regarder les statuts de ces amis, regarder leurs photos, voir qui est pote avec qui et rédiger des commentaires sans intérêt ou alors (vaguement) politiquement provocateur pour faire genre et pour se faire voir.

    A partir du moment ou FB a englouti l’attention des mêmes personnes qui passent sur indymedia ou rebellyon je crois que c’est perdu d’avance pour indy/rebellyon (et les autres) vis à vis de ces personnes dispersées.

    Le seul argument qui vienne contredire un peu ce constat ce serait les révolutions dans les pays arabes. Mais là encore même si personne ne regrettera l’insurrection, et si encore il est bien vérifié que Facebook a joué un role décisif, ce que je ne peux pas vérifier (y’avait des blogueurs influents aussi), il reste « l’après », et ce n’est pas avec Facebook et les autres réseaux sociaux qu’on peu s’organiser en jetant des bases saines, égalitaires et pronant le consensus par exemple.

    Alors les réseaux sociaux comme propagateurs de rendez-vous physiques décisifs oui peut-être, mais au-dela ça va être dur de faire quelquechose avec la population qui considère que cliquer sur « j’aime » c’est s’engager.

    a +

  • Sur les insurrections égyptiennes et tunisiennes (le cadre de Google qui avait lancé au départ de l’insurrection égyptienne une page Facebook vient d’être nommé « personnalité la plus influente de l’année ! ») il faudrait voir quand même un truc : dans quelle mesure, Facebook ou Twitter permettent de dépasser la communication millitante par cercles idéologiques.

    Je m’explique : le caractère viral de ces deux outils permet de diffuser à des proches (amiEs, parentEs, collègues) en court-circuitant (peut-être) des information à caractère idéologique et/ou suberversive et/ou insurrectionnelle.

    Comme l’information t’arrive via unE proche, l’information te touche potentiellement plus que si c’est unE militantE qui te tend un tract, ou si tu te rends « tout seul » sur un site. Phénomène à mon avis d’autant plus important sur Facebook que Twitter, qui est beaucoup plus anonyme. Quelqu’unE que tu aimes bien te recommande une information, tu peux ensuite lui faire un retour, lui demander des explications, tu n’es plus seul face à l’information, ou en tout cas, plus seul sur un site relativement anonyme (si t’es pas dans un cercle militant, tu n’es a priori pas proche du site que tu vas voir). C’est un accompagnement, probablement une source d’explications et d’approfondissements, une occasion probablement d’appropriation de l’information alternative.

    Faudrait réfléchir sur la réception solitaire classique de l’information, et le caractère collectif de la réception de l’information via un réseau social. Ce qui changerait dans ce contexte précis le caractère extrêmement futile du « J’aime » de Facebook pour en faire peut-être potentiellement (je prends des gants hein, je suis pas sûr) quelque chose de subversif, un retour inopiné et inattendu du collectif sur internet, lié à sa vie réelle.

  • pour répondre au commentaire précédent d’ ARI (Le 22 avril à 13:26) :

    effectivement la réception solitaire et « anonyme » lorsqu’on est pas dans des cercles militants est une question qui revient d’autant plus fort maintenant que les réseaux sociaux et les « recommandations sociales » sont une concurrence directe.
    C’est sur qu’entre un site de publication participative avec 3 colonnes surchargées de titres au jargon militant obscur et traditionnel (donc excluant en quelque sorte pour qui ne reconnait pas d’emblée les conventions de style), et un média « social » tel que Facebook, il y a un abîme. (Facebook est un mauvais exemple de réseau « social », parce que fermé et fondamentalement lié aux intérêts de la publicité, mais c’est celui qui fait école dans notre discussion, donc c’est pour ça que je reviens toujours à lui)

    Pour autant, il y a de nombreuses limites à l’ouverture « sociale » d’un site comme FB, qui sont à la fois techniques et de choix sociaux justement. De mon expérience sur ce site, on passe clairement aussi dans une hyperspécialisation des réseaux comme dirait l’autre. C’est à dire que même avec 1036 ami-e-s (pour ceux qui en seraient déjà à une telle frénésie d’amitié) il y a obligatoirement une restriction du vrai réseau social de référence (famille, ami-e-s et « influenceurs »...) qui se fait sur des critères assez « on reste entre nous » (même gouts/tendances/styles, même tranche d’âge, famille etc.). Bon tout ça c’est un vrai mécanisme social qui existe déjà en dehors de Facebook hein.
    Mais techniquement, quand vous voulez poster un article soit vous postez directement sur le mur de la personne que vous voulez toucher, qui devient public pour le réseau FB (avec certains inconvénients liés à la réputation ou à la confidentialité), soit vous envoyez un message privé à plusieurs personnes, mais FB limite le nombre de personnes max par envoi à 20. Pour plus d’envois, il faut faire des listes et encore de nombreux envois successifs, mais là on se rapproche du spam, et comme c’est en privé les gens réagissent différemment que sur un « mur » avec les commentaires visibles par tou/tes. Après il y a les groupes mais là on perd la crédibilité des vrais liens sociaux dont parlait...
    soit, pour finir, vous postez sur votre propre mur et chacun de vos ami-e-s qui se connecte peut voir les derniers posts de ses propres ami-e-s dans le fil d’infos « accueil », comme une « revue de presse sociale »
    Mais là aussi, c’est FB choisi qui est digne d’être visible dans ce fil en fonction de critères d’influence et d’échanges. Critères fermés et un peu obscurs je trouve, et au bon vouloir des dernières modifications des paramètres de confidentialité aussi...

    Donc il y a encore une hiérarchie (semi)public / privé, et surtout personnes influentes / personnes sans intérêt. Peut-être que cette hiérarchie, cette sélection est inévitable d’une façon ou d’une autre. Il faut bien trier l’information. Mais petit à petit on oublie de se pencher sur ces critères de sélection justement, pour les analyser et mieux les choisir.
    Moi pour l’instant je vois ce problême là.
    Je regarde aussi du coté d’alternatives comme crabgrass chez riseup.net par exemple, avec le systême de double profil privé par défaut et public uniquement par choix, et tous les outils assez bien foutus.

    Bon il y a encore beaucoup de choses à réfléchir sur l’ouverture type réseaux sociaux, mais c’est sur que commencer avec Facbook comme exemple ça demande vraiment d’être très critique pour pas se planter complètement plus tard.

    Sinon j’ai lu un article de mars 2010 (avant la révolution donc) à propos de la grande époque des bloggeurs égyptiens et de l’utilisation de Facebook ensuite, le constat n’avait pas l’air très en faveur de FB :
    http://www.babelmed.net/index.php?c=5133&m=&k=&l=fr

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